ALLOCUTION DU PREMIER PRESIDENT DE LA COUR SUPREME - AUDIENCE SOLENNELLE DE RENTREE DE LA COUR SUPREME DU 21 FEVRIER 2025

23 février 2025

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ALLOCUTION DE MONSIEUR LE PREMIER PRESIDENT DE LA COUR SUPREME, A L’OCCASION DE LA RENTREE SOLENNELLE DE LA COUR SUPREME

 

ANNEE 2025

     

Monsieur le Président du Senat,

Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,

Monsieur le Président du Conseil Economique et Social,

Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement,

Monsieur le Président du Conseil Constitutionnel,

Monsieur le Ministre Délégué, représentant  de Ministre d’Etat, Ministre de la Justice Garde Sceaux,

Excellences, Mesdames et Messieurs les Ministres,

Excellences, Mesdames et Messieurs les Ministres Délégués et Secrétaires d’Etat,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et les Représentants des Organisations Internationales,

 

La Cour Suprême se réjouit de vos hautes présences en ces lieux et vous remercie infiniment pour l’honneur toujours renouvelé.

 

 Monsieur le Maire de la Ville de Yaoundé,

Chers collègues Magistrats,

Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats,

Madame la Présidente de la Chambre Nationale des Notaires,

Monsieur le Président de la Chambre Nationale des Huissiers de Justice,

Monsieur le Secrétaire Général de la Cour Suprême,

Madame et Messieurs les Greffiers en Chefs,

Chers Maîtres,

Mesdames et Messieurs en vos grades et titres respectifs,

Les membres de la Cour Supreme par ma modeste voix vous remercient d’avoir sacrifié quelques instants de vos emplois de temps que nous savons très précieux pour assister à cette audience solemnelle de Rentrée de la cour Suprême. Ils vous souhaitent une chaleureuse bienvenue parmis eux.

 Cette année, le Premier Président étant empêché,  l’article 6(1) de la loi organique de la Cour Suprême dispose :

« En cas d’empêchement, le Premier Président est suppléé par le Président de la Chambre le plus ancien dans le grade le plus élevé »

L’honneur me revient donc de présider cette audience solennelle

Conformément aux dispositions de l’article 33 de la loi n° 2006/016 DU 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême, l’audience solennelle de rentrée judiciaire se tient ce jour 21 Février 2025 dans la salle d’apparat de la Haute  juridiction

 

Après les pertinentes réquisitions de Monsieur le Procureur Général, je voudrais à mon tour nous entretenir sur un support souvent source de polémique, tant il est prégnant  au quotidien, sujet dont les contours paraissent flous aux justiciables et même aux praticiens du droit que sont les Magistrats, les Avocats, les Notaires et Huissiers pour ne citer que ceux-là.

Ce sujet, à notre commune intention est intitulé« Le formalisme en milieu judiciaire ».

Un vieil adage, en cours dans les communautés humaines énonce que « le fond n’est rien sans la forme »

Victor Hugo, grand auteur littéraire français affirmait :

« La forme, c’est le fond qui remonte à la surface »

 

En termes généraux, le formalisme peut être  défini comme la pratique ou la doctrine d’une adhésion stricte à des formes prescrites ou externes.

Ramené au plan du droit, celui-ci se conçoit  comme un système qui conditionne la validité des actes à la stricte observance des formes qui président à leur édiction.

 

Les règles relatives à la forme et qui sont les lois de procédure se distinguent de celles du fond.

Si les lois de fond définissent les comportements qui sont punissables, fautifs, la nature des conventions et les sanctions attachées à leur inobservation, les lois de forme, en revanche, concernent la procédure, entendue comme la mise en œuvre de l’action en justice, la compétence des juridictions, les voies de recours, les délais et la prescription.

 

En droit anglais, il y a également une distinction entre ce qu’il est convenu d’appeler d’une part « substantive law » ou loi de fond, « the law which governs the original rights and obligations of individuals » et d’autre part, « adjectival law », ou « procedural law », ou encore « rules of court », « a set of rules that govern how legal procedures and  practices are carried out ».

 

 

Mesdames, Messieurs,

Si la référence est faite au droit anglais, à la Common Law, c’est en raison de la double tradition juridique en cours au Cameroun.

Cet héritage juridique, tradition romano-germanique et anglo-saxonne provient de la double occupation de notre pays, alors colonie allemande, occupé en 1916 par les troupes françaises et anglaises.

Cette occupation a entraîné la partition du pays en deux entités administrées par la France et la Grande Bretagne, d’abord au terme d’un mandat à elles conféré par la Société des Nations et plus tard sous le sceau de la tutelle qui leur a été confiée par l’Organisation des Nations Unies jusqu’à l’accession du Cameroun à la souveraineté internationale.

 

La forme, comme indiqué à titre liminaire, revêt une importance capitale à tous les niveaux. Et tout manquement à l’exigence de la forme est sanctionné par la nullité relative, ou absolue selon qu’une formalité substantielle a été violée ou non.

La nullité est donc la sanction qui atteint un acte de procédure dressé ou notifié en méconnaissance des conditions de validité imposée par la loi et dont la conséquence est son anéantissement rétroactif, comme s’il n’avait jamais existé.

Les vices de procédure qui résultent du non-respect des formalités exigées par la loi pour l’établissement d’un acte de procédure peuvent entraîner l’annulation totale ou partielle dudit acte.

 

Pour illustrer mon propos, je prendrai volontier quelques exemples qui concernent les décisions ou les actes que posent les juges ou les autres professionnels dans l’activité des juridictions.

A propos des jugements, l’article 38 du code de procédure civile et commerciale dispose :

« Les jugements sont rédigés en minutes. Ils énonceront qu’ils ont été rendus en audience publique et indiqueront clairement la date à laquelle ils ont été rendus. Ils contiendront les noms des Magistrats et du Greffier qui auront siégé ».

 

L’article 39, renchérit et précise que « Les jugements contiendront en outre les noms, professions, domicile des parties, l’acte introductif d’instance et le dispositif des conclusions, les motifs et dispositif. Il y sera indiqué si les parties se sont présentées en personne ou par mandataires ou s’il a été jugé sur mémoires produits ».

 

Le ton impératif qui se déduit de la rédaction de ces dispositions laisse présumer pour l’essentiel que les prescriptions y contenues sont substantielles. Et leur omission est susceptible d’entraîner la nullité des décisions qui y dérogent.

Le même formalisme est exigé de la Cour d’Appel dès lors que l’article 214 du même code indique que :

« Les autres règles concernant les tribunaux d’instance seront observées devant la Cour d’Appel ».

 

Les officiers de Police judiciaire sont également astreints au respect du formalisme imposé par le code de procédure pénale. L’officier de Police qui effectue une perquisition doit être muni d’un mandat de perquisition, l’exception n’étant admise qu’en cas de crime ou de délit flagrant.

 

Cette mesure doit être exécutée en présence du Maître des lieux, du détenteur des biens ou de son représentant, en présence de deux témoins choisis dans le voisinage, étant par ailleurs entendu que l’officier de Police judiciaire doit se soumettre à la fouille si le Maître des lieux l’exige, avant d’entreprendre telle tâche.

 

 Les autres mentions obligatoires du procès-verbal dressé sont les date et heure du début  des opérations, les noms, prénoms, qualité de l’enquêteur.

Il doit également être signé des parties ci-dessus indiquées et contenir les noms, prénoms, qualité, filiation, date et lieu de naissance, domicile des signataires.

 

L’article 100 du code de procédure pénale sanctionne par la nullité les procès-verbaux de perquisition, de saisie qui contreviennent à ce formalisme.

 

De même toute perquisition effectuée au domicile de l’inculpé par le juge d’instruction, doit en vertu de l’article 179 du code de procédure pénale, à peine de nullité être faite dans les mêmes conditions imposées à l’officier de Police judiciaire.

 

En matière de transaction immobilière, l’article 8 nouveau de l’ordonnance n°74-1 du 06/7/1974 fixant le régime foncier a imposé sous la sanction de la nullité la forme notariée aux « actes constitutifs, translatifs ou extinctifs des droits réels immobiliers ».

 

Ainsi, l’intervention du notaire est formellement exigée.

Les actes d’Huissier n’échappent pas davantage au formalisme prévu par les textes en vigueur.

 

Une assignation contiendra, en vertu de l’article 6 du code de procédure civile et commerciale, les dates des jours, mois et an, les noms, profession et domicile du demandeur.

 

- Les noms, demeure et matricule de l’Huissier ou l’agent d’exécution, les noms et demeure du défendeur et mentions de la personne à laquelle copie de l’exploit sera laissée.

- L’exposé de la demande, l’exposé sommaire des moyens.

- Les indications du Tribunal qui doit connaitre de la demande, la date et l’heure de l’audience.

 

L’omission de telles mentions substantielles est sanctionnée par la nullité de l’exploit.

Il sied néanmoins  de relever une fois de plus que le formalisme trouve quelque atténuation en matière civile, l’article 602 du code de procédure civile et commerciale disposant que « sauf dans les cas où les lois et décrets n’en disposent  autrement, les nullités d’exploits ou actes de procédure sont facultatives pour le juge qui peut toujours les accueillir ou les rejeter »

Cette acception se réfère aux  nullités qui ne font pas grief, c’est-à-dire qui n’entrainent aucun préjudice pour la partie opposée.

 

Les mémoires des avocats devant la Cour Suprême et notamment devant la Chambre Administrative se doivent également de se conformer aux prescriptions de l’article 92 de la loi 2006/016 du 29/12/2006 modifiée fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour Suprême.

 

Ainsi, le mémoire devrait-il être timbré et contenir les noms, prénoms, profession et domicile du demandeur, l’exposé des faits servant de base au pourvoi, les moyens outre l’énumération des pièces y annexées.

 

Le non-respect de ces prescriptions invalide le mémoire qui peut être déclaré irrecevable et la conséquence est le rejet du pourvoi.

Enfin, l’exercice des voies de recours subit également la rigueur du formalisme, les lois prévoyant leur mode d’exercice en termes de forme et délais.

 

A titre d’exemple, le pourvoi en cassation est en vertu de l’article 42 de la loi 2006/016 susvisée, formé en matière judiciaire par déclaration au Greffe de la juridiction dont émane la décision, sauf en matière pénale.

 

L’article 43 précise qu’en dehors du demandeur au pourvoi, de son avocat, toute autre personne qui dit agir au nom dudit demandeur doit être muni d’une procuration spéciale dûment légalisée ,

La Cour Suprême, dans son œuvre jurisprudentielle, a davantage affiné la notion de déclaration, en précisant que celle-ci doit être orale, le déclarant se devant de comparaitre en personne devant le greffier pour qu’il lui soit fait toutes les notifications prévues par la loi.

 

La Haute Juridiction qui est  juge du droit et dont la mission est de contrôler et d’unifier l’interprétation de la loi pour en assurer une interprétation identique pour toutes les juridictions, veille particulièrement au respect scrupuleux du formalisme.

 

Elle n’hésite pas à sanctionner tout manquement à cette exigence, lorsque celui-ci est de nature à porter atteinte à la substance de la décision ou de l’acte incriminé.

 

Si les actions en justice ne se gagnent pas souvent au plan de la forme, elles se perdent, en revanche, à ce niveau parce que le fond n’est rien sans la forme. Et l’on n’accède au fond que par le filtre de la forme.

 

En conclusion, la forme est en somme protectrice des droits des uns et des autres et même de ceux de l’Etat et le respect de celle-ci participe d’une bonne administration de la Justice, gage de paix sociale dans le pays.

 

Je vous remercie de votre bienveillante attention !!!

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